DE LA MORT À L’IMMORTALITÉ[1]
C'est lorsque nous en venons à la question fondamentale du sens de toutes choses que notre recherche commence.
« Où en suis-je ? Ai-je perdu la voie, ma voie vers le but de la vie ? Quel est le sens de l’univers ? Quel est le sens de la vie ? » Si nous n'avons aucune réponse, aucune base, alors la vie nous entraîne vers un désastre.
Notre existence ne serait-elle qu'une lutte aveugle ? Et notre survie ne dépendrait-elle que de la chance ou de la ruse ? Mais alors, qu'en est-il du processus cosmique qui nous a produits et dont nous sommes une partie inséparable ?
Voyons d'abord la question de l'univers. Le vedānta enseigne que l'individu et le cosmos sont en relation continue. En regardant l'espace incommensurable, considérons la petitesse de notre corps. Comparé au cosmos, les humains sont tout à fait insignifiants, quelle que soit la façon dont on les examine. Cependant, c'est grâce à notre mental insignifiant que nous avons fait nos stupéfiantes découvertes sur le cosmos. C'est la plus grande réussite et le plus grand exemple d'intelligence désintéressée.
Nous n'arrêtons pas de parler du réchauffement du globe, de la mort par la chaleur de notre monde et par des événements de cette sorte. Nous avons aussi découvert que là-haut, dans l'espace, il y a des radiations cosmiques. C'est une sorte d'énergie très différente de tout ce qu'un homme ou une femme peut imaginer. Nous ne pouvons pas limiter cette force. Nous ne pouvons pas non plus concevoir le pouvoir fabuleux généré au centre d'un super soleil. Il est clair que le cosmos n’est pas signe de mort.
Le vedanta affirme qu’il y a des milliards de soleils entourés de leurs planètes (koṭi sūrya). En tous il y a vie, exactement comme sur notre chère planète la Terre ! L'univers est rempli de formes insoupçonnées d'énergie. Il est aussi rempli de lieux et d'occasions pour croître. L'énergie se renouvelle continuellement, si nous prenons la peine de le remarquer, sous des formes plus riches, plus variées et plus intenses. Ce que nous appelons la mort n'est rien d'autre que jeter un vieux vêtement. Nous en trouvons l’illustration dans la Bhagavad Gītā [2] :
« 16 – L’irréel n’a pas d’existence. Le réel ne cesse pas d’exister. La vérité de ces deux principes est perçue par ceux qui voient l’essence des choses.
17 – Sache-le, Cela (c'est-à-dire le Brahman immuable) par quoi tout est pénétré est indestructible. Personne ne peut détruire l’Impérissable.
18 – Les corps ont une fin, mais Celui qui s’incarne dans les corps est éternel, impérissable et indestructible. Combats donc, ô Bharata !
19 – Celui qui pense que Cela est meurtrier, celui qui croit que Cela est tué, tous deux sont ignorants parce que Cela ne tue pas et ne peut être tué.
20 – Il ne naît jamais. Il ne meurt jamais. Ayant été, Il ne cesse pas d’être. Il est non-né, éternel, permanent, ancien. Il n’est pas détruit quand le corps est détruit.
21 – Ô Partha ! comment celui qui connaît l’Indestructible, éternel, sans naissance et impérissable, pourrait-il tuer quelqu’un ou le faire tuer ?
22 – Comme un homme jette ses vêtements usés et en revêt de neufs, ainsi l’Être incarné quitte les corps usés et entre en de nouveaux corps.
23 – Les armes ne Le fendent, ni le feu ne Le brûle, ni les eaux ne Le mouillent, ni le vent ne Le dessèche.
24 – Il ne peut être ni fendu, ni brûlé, ni mouillé, ni desséché. Il est éternel, présent en tous lieux, stable, immobile, ancien.
25 – On dit qu’Il est non-manifesté, impensable, inchangeable. Donc, Le sachant tel, tu ne dois pas t’affliger.
26 – Même si tu penses que Cela est constamment sujet à la naissance et à la mort, ô puissamment armé, tu ne dois pas t’affliger.
27 – La mort est certaine pour celui qui est né et la naissance est certaine pour celui qui est mort. Donc tu ne dois pas t’affliger de l’inévitable.
28 – Tous les êtres sont non-manifestés à leur commencement, manifestés au milieu et non-manifestés à leur dissolution.
29 – L’un Le voit comme une merveille, l’autre en parle comme d’une merveille, un autre en ouït dire comme d’une merveille. Mais cependant, ayant ainsi entendu dire, personne ne Le connaît.
30 – Celui qui demeure dans le corps de chacun est éternel, indestructible, ô Bharata ! Donc tu ne dois pleurer aucune créature. »
Sachant cela, la vie devient plus intense, c'est-à-dire que nous devenons plus efficaces, pour progresser vers la Réalité. Ne voyons-nous pas que les machines efficaces produisent davantage, prennent moins de place, sont plus précises, etc. ! Cela donne aussi à la vie un sens plus élevé.
Quel est le processus de vie que nous pouvons observer ici et qui, nous pouvons le supposer, existe de toutes parts ? Étonnantes et difficiles à démêler sont les interactions entre la nature extérieure et la nature intérieure. Dans l'univers, il y a toujours une prodigieuse élimination de formes appelée résidus. Aujourd'hui, nous en connaissons plus sur l'Univers. Nous sommes préparés à affronter n'importe quelle situation bizarre ou précaire. Ce formidable succès de la force de vie doit être transformé en une avancée spectaculaire pour devenir souple, attentif, sensible, etc. La voie toujours hautement spécialisée de la force de vie n’est pas une façon de vivre insensiblement afin de gagner des avantages immédiats.
Nous imaginons que la vie serait parfaitement agréable si nous pouvions supprimer tous les aspects négatifs et indésirables des paires d’opposés. Cela signifie que nous éliminerions la douleur, le mal, la souffrance, la maladie, la mort, etc. Nous supposons qu’à cette seule condition nous serons capables de profiter d’une vie belle et délicieuse, faite de joie, de plaisir, de santé, etc. Si c’est là notre idée du paradis, nous sommes alors condamnés à aller en enfer pour expérimenter la douleur, la souffrance, les tourments, l’anxiété, la maladie etc. car tout cela appartient aussi à l’aspect manifesté de l’Univers.
Nous le voyons dans notre civilisation moderne : malgré le confort que donnent la médecine et l’agriculture, la science et la technologie, l’humanité n’est pas plus heureuse, plus satisfaite ou plus en paix. Notre âge est celui de l’anxiété, du « choc du futur », de la frustration communicative, de l’aliénation. C’est l’âge de l’ennui et du non-sens, malgré la richesse et l’abondance !
Les paires d’opposés sont donc inévitables dans la vie. La plupart de nos problèmes sont basés sur une erreur, celle que les contraires devraient être séparés l’un de l’autre. Ce n’est que lorsque nous saurons qu’ils sont les aspects d’une réalité sous-jacente que nous serons libérés de nos conflits. Le deuxième chapitre de la Bhagavad Gītā le dit merveilleusement : celui qui est passé au-delà des paires d’opposés, qui est libéré de l’envie, qui n’est attaché ni au succès, ni à l’échec, qui est égal dans l’action n’est pas lié. Il doit être reconnu comme éternellement libre celui qui ne déteste ni ne désire ; car s’il est libéré des paires d’opposés, il est facilement libéré du conflit.
Je crois que vous allez maintenant poser cette question : que va-t-il arriver à notre marche vers le progrès si nous acceptons le principe que tous les opposés sont un ? Nous avancerons avec une force décuplée dès que l’illusion de la vision double sera dissipée. Souvenons-nous que Swami Vivekananda disait : « Celui qui connaît son âme véritable agira mieux dans tous les domaines ». Où tracer alors cette frontière ?
Ce que nous appelons l’âme individuelle appartient à quatre domaines : la pensée, le sentiment, la capacité fonctionnelle, le centre d’observation. La mémoire, qui s’applique aux quatre domaines, nous convainc de notre continuité dans le temps.
L’âme pensante possède des fonctions immédiates telles que planifier, résoudre des problèmes, s’inquiéter, imaginer, etc. Elle est uniquement âme conceptuelle. C’est le « moi » tel qu’il est défini par les autres − parents, amis, professeurs, collègues, société etc. Bien sûr, cette âme conceptuelle publique n’est qu’un masque posé sur l’âme réelle. Notre but n’est certainement pas de devenir ce que les autres voudraient que nous soyons. Nous avons besoin de manifester nos capacités, nos qualités inhérentes dans la plus grande mesure possible.
L’âme affective est formée de l’anxiété, de la joie, de l’amour, de la colère, de la tristesse, des désirs, etc. Nous nous égarons dans ces émotions, les identifiant complètement à notre âme réelle. Nous passons notre vie à défendre, à protéger et à perpétuer ce qui est simplement une illusion. Il est conseillé à l’aspirant de ne pas s’identifier à son âme affective, ce que l’on réussit en étant convaincu que l’on n’est pas son mental, son corps, ses pensées, ses sentiments etc. Plus on est capable de transcender l’organisation située à l’intérieur de la barrière physique, plus l’âme réelle devient transparente.
L’âme fonctionnelle est très souvent identifiée à notre corps. C’est l’instrument principal de toutes nos fonctions. L’âme réelle s’exprime pleinement chez une personne sous la forme d’un rayonnement, d’yeux brillants, d’une démarche ferme, d’un corps soigné et svelte. Le sommet du bien-être se traduit par un haut niveau d’énergie. Celui qui se sent bien a besoin de peu de sommeil et ne ressent jamais de baisse d’énergie. Il ne choisira pas de s’engager dans des extrêmes épuisants. Le secret du maintien de l’énergie est la connaissance de son âme réelle dans le cycle activité - repos. Parce que de telles personnes sont libérées de l’anxiété et de l’inquiétude, elles ne gaspillent pas leur énergie en activités physiques ou mentales stériles. De plus, elles ne connaissent pas l’ennui et ne dissipent pas leur énergie dans des activités simplement destinées à tuer le temps. Elles trouvent toujours des occasions d’exprimer leur potentiel créatif.
La personne authentique possède l’aisance et la grâce dans ses activités. Ses mouvements sont fluides et sans contrainte − aucune trace d’embarras, de gaucherie ou de manque de confiance dans ses attitudes. Même si elle ne reflète pas nécessairement les canons de la beauté idéale, elle se plaît dans la dimension physique de son être (c’est-à-dire de son âme). Le plaisir que ressent l’âme la rend belle d’une manière unique.
Une personnalité intégrée ne se développe que par la connaissance de son âme. Elle ne se sent jamais piégée par son travail, ses enfants, ses parents, ses responsabilités financières etc., parce qu’elle ne se définit pas, elle ne définit pas son être essentiel, en termes de limites dans la vie de tous les jours. Au lieu de cela, elle est sans cesse nourrie d’un flot ininterrompu d’intelligence créative venue du cœur de son être. Elle développe une confiance illimitée pour assumer les responsabilités en brisant toutes les limites qui pourraient la contraindre.
La vie offre toutes leurs chances à ceux qui connaissent leur âme réelle. L’ennui leur est étranger parce qu’ils sont toujours avides d’expériences inédites. Leurs activités sont toujours nouvelles et intéressantes. Ils croient que la véritable sécurité repose dans le développement et le progrès continus.
Il est vrai que notre développement n'est pas statique. Il y a cinq processus primaires instables : le processus du corps physique, des sentiments, des perceptions, des réponses et celui des flots de conscience qui les expérimente tous. Notre sens de l'âme s'élève dès que nous essayons de nous fixer ou de nous identifier à des modèles.
Le processus d’identification, qui consiste à choisir des modèles pour dire « je », « moi » ou « moi-même » est d’habitude subtilement caché à notre conscience. Nous pouvons nous identifier à notre corps, nos sentiments ou nos pensées ; nous pouvons nous identifier à des images, des modèles, des rôles ou des archétypes. Ainsi, dans notre culture, nous pouvons nous fixer et nous identifier au rôle d’une femme ou d’un homme, d’un parent ou d’un enfant. Nous pouvons prendre l’histoire de notre famille, nos gènes ou notre hérédité pour choisir d’être ce que nous sommes. Il arrive que nous nous identifiions à nos désirs − charnels, esthétiques ou spirituels. De la même manière, nous pouvons nous focaliser sur notre intellect ou prendre notre signe astrologique pour identité. Nous pouvons choisir l’archétype du héros, de l’amant, de la mère, de l'aventurier, du musicien et vivre une vie basée là-dessus. Dans la mesure où nous prenons ces fausses identités, nous devons sans arrêt nous protéger et nous défendre, faire des efforts pour compléter ce qu’elles ont de limité ou d’insuffisant de crainte de les perdre !
Pensez-vous que tout cela puisse être notre véritable identité ? C’est maintenant que nous devons découvrir ce qui est par-delà le corps, le mental, l’ego, l’intellect, les émotions, etc. Nous devons découvrir cet Un éternel, cet Un immortel.
Essayons de porter notre attention sur un moment x de l’expérience. Ne nous apercevons-nous pas que nous ne le possédons plus ? Allons plus loin avec nos pensées. Nous nous apercevons que nous ne les invitons pas et que nous ne les possédons pas non plus. Nous pouvons même souhaiter qu’elles s’arrêtent. Mais elles semblent exister par elles-mêmes, s’élever et passer selon leur nature propre !
La même chose se vérifie avec nos sentiments. Combien d’entre nous sont persuadés que nous les contrôlons ? Si nous sommes attentifs, nous voyons qu’ils sont tout à fait comme le temps : humeurs et sentiments changent en fonction de certaines conditions, ils n’appartiennent pas à notre conscience et ne sont pas dirigés par elle ni par nos désirs. Pouvons-nous donner l’ordre au bonheur, à la tristesse, à l'irritation, à l’excitation ou à l’agitation de venir ou de ne pas venir en nous ? Les sentiments sentent d’eux-mêmes, comme la respiration respire d’elle-même, comme les sons sonnent d’eux-mêmes.
Notre corps, aussi, suit ses propres lois. Le corps que nous transportons est un sac d’os et de liquide qui ne peut nous appartenir. Il vieillit, devient malade ou se transforme d’une manière que nous pouvons ne pas souhaiter, tout cela selon sa nature propre. Plus nous réfléchissons, plus nous nous apercevons que nous ne possédons rien, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur de nous-mêmes.
Observons le vide qui est en tout. Tout survient comme de rien et retourne à rien. Toutes nos paroles d’hier ont disparu. De même, tout ce qui s’est passé la semaine dernière ou le mois dernier a aussi disparu. L’expérience arrive dans le présent, fait un petit tour de danse et s’en va.
Comme nous nous ouvrons et nous nous vidons, nous en arrivons à expérimenter une interconnexion. Nous comprenons que tout est uni et conditionné par une force interdépendante, et qu'il existe un échange entre le cosmos et les hommes. Cette force pose, dans un contexte supérieur, l’interdépendance des êtres dans le cosmos.
Lorsque nous saisissons cette interconnexion, nous trouvons la libération, une joie immense, la lumière du cœur, la flexibilité et l’aisance en toutes choses.
Il existe des conceptions erronées sur les disciplines spirituelles dans la recherche du vrai soi. Certains les comprennent comme un combat pour se délivrer de l'âme centrée sur l'ego. D'autres les confondent avec des sentiments intérieurs d'apathie, d'indignité ou d'absence de sens donné à la vie, qu’ils ont transféré d'un passé douloureux dans une pratique spirituelle.
Essayer de se débarrasser de l'ego, de purifier, de déraciner ou de supprimer les désirs, la colère, etc. c’est s’aliéner. Pire encore, et qui va avec cela, est la notion que notre corps, notre mental, notre ego seraient, en quelque sorte, pécheurs, sales et faux. De là, transformer les émotions, les pensées et la personnalité est très important selon le vedānta.
Comment notre pratique peut-elle nous aider à développer un sentiment sain et complet de notre âme individuelle ? Comment parvenir à notre âme réelle ? Il y a plusieurs aspects de ce processus à comprendre. Notre sentiment initial de l'âme, ou la force positive de l'ego, vient de notre développement antérieur. Le tempérament que nous avons à la naissance, ou les saṁskāra (tendances), sont formés par les réactions antérieures et les reflets qui viennent de l'environnement de notre enfance et qui créent le sentiment de ce que nous devrions être. Une personnalité positive se développe avec des parents positifs. Puis, ce sens initial du soi est renforcé par les professeurs, l'école, notre condition sociale et le prolongement de la vie familiale. Le sentiment habituel d'une âme positive se développe grâce à la répétition de ces conditions. Cela signifie libérer de l'énergie pour des rapports constructifs et authentiques avec l'âme.
Une fois cela réalisé, la tâche suivante consistera à développer notre personnalité, notre sagesse, notre force, nos aptitudes et notre compassion. Ces qualités nous amèneront, grâce au calme du cœur et à l'ouverture du mental, à la découverte de notre âme réelle.
Maintenant posons-nous cette question : comment pouvons-nous connaître notre âme réelle ?
Voici la réponse : c’est possible par la pratique de certaines disciplines ou en donnant une impulsion à notre esprit intérieur. Même pour vivre une vie de bien, transparente et saine, dans ce monde rempli de tellement d’attraits et de distractions, nous avons besoin de développer notre pouvoir intérieur. Comment pouvons-nous le faire ?
Nous devons discipliner notre corps, notre parole et notre mental.
Il existe certaines disciplines personnelles qui sont prescrites par la religion et se rapportent au corps et au mental. Le secret de la réussite réside donc dans la pratique correcte de ces disciplines qui affectent favorablement notre système psychophysique tout entier.
La première discipline, selon le vedānta, consiste à contrôler le corps par l’adoration de Dieu ou des forces cosmiques. Dans ce monde relatif, Dieu et les forces cosmiques sont interdépendants. Ils s’entretiennent l’un l’autre. L’homme offre son adoration à Dieu et ainsi le nourrit. En retour, Dieu se charge du bien-être des hommes. Qu’est-ce que l’adoration ? C’est la réponse de la créature au créateur, du limité à l’illimité, du conditionné à l’inconditionné. Comme telle, l’adoration a plusieurs niveaux d’expression. La créature étant, malheureusement, incarnée dans un corps, l’adoration requiert une discipline du corps. Sans maintenir le corps en bon ordre, on ne peut pratiquer l’adoration. Dans la méditation, le mental est l’instrument principal de l’action intérieure, mais dans l’adoration rituelle, les mouvements physiques codifiés sont de la première importance. Voilà pourquoi le corps doit être entraîné à se trouver sous le contrôle de l’âme.
Propreté, honnêteté, chasteté et non-violence sont aussi des disciplines du corps qui jouent un rôle important. Pourquoi ? Parce qu’elles demandent beaucoup d'efforts physiques sincères et de sacrifices de confort pour garder la maison propre et agréable. Une vie saine rend le mental clair. La clarté du mental est l’une des causes de la réussite.
L’honnêteté et la non-violence dépendent toutes deux de notre attitude mentale, parce qu’elles demandent le contrôle du corps et du système nerveux. La continence, physiologiquement parlant, est la conservation de l’énergie physique. Le faible ne peut pas être maître de lui-même. « Cet ātman ne peut pas être atteint par le faible », enseigne le vedānta.
En étudiant la psychologie humaine, nous ne devons pas oublier que tous les hommes ne commencent pas leur vie sur terre à partir du même point de développement intérieur. Celui qui développe sa conscience intérieure par la continence ne reste plus lié aux mêmes types de besoins vitaux que l'homme ordinaire.
La connaissance de notre âme réelle signifie également unification, plénitude de nous-mêmes, indépendance parfaite, ce qui est impossible aussi longtemps que nous avons besoin des autres pour être heureux, ce qui, en dernière analyse, est asservissement, esclavage.
Le vedānta enseigne que toutes les sources apparentes de plaisir, de joie et de bonheur ont leur origine dans l’ātman. C’est pourquoi lorsque nous connaissons expérimentalement l’ātman, nous n’avons, alors, plus besoin des autres pour être heureux. Le concept de bonheur lui-même change. Ce que, dans l’état précédent, nous considérions comme un objet de plaisir, devient sans intérêt dans ce nouvel état, parce que nous ne pensons plus en termes de matière. Mais l’âme doit passer par différents stades pour atteindre cet état suprême de connaissance de soi. Et il faut trouver son chemin dans ce mouvement ascendant.
Nous arrivons maintenant à la discipline de la parole.
Nous devons utiliser des mots qui ne blessent pas, qui soient vrais, agréables et justes. Pour être capables de ne prononcer que des mots qui n’agressent pas, nous avons besoin d’une grande maîtrise sur nos pensées et sur nos émotions. Choisir délibérément des mots qui ne soient pas désagréables aide, néanmoins, à la connaissance de son âme, à condition que ces mots soient également vrais et justes.
De temps à autre, dans notre vie de tous les jours, nous sommes tentés de sacrifier la vérité pour ne pas faire de tort, ou de dire ce que l'on appelle de « pieux mensonges ». On ment souvent, aussi, pour être agréables. On dit : « Ce n’est pas ce que j’aurais voulu dire, je voulais juste être poli ». Cependant cela détruit la maîtrise de soi. Si, sciemment ou non, nous prenons appui sur le mensonge, nous ne pourrons jamais contrôler le pouvoir de volonté dont nous avons besoin pour obtenir la connaissance de notre âme réelle. Si nous renonçons à la vérité, pour quelque raison que ce soit, nous renonçons à ce puissant facteur fondamental de vie qui peut nous rendre victorieux de toutes les forces contraires. C’est pourquoi la Muṇḍaka upaniṣad déclare : « Seule la vérité triomphe, jamais le mensonge. » (3.1.6.)
D’autres fois, il nous arrive de penser que le fait de dire la vérité nous donne le droit d’être agressifs ou impolis. Des gens, qui ont leur propre opinion de la vérité, deviennent parfois très agressifs envers d’autres qui proclament aussi détenir la vérité. Mais, chaque fois que nous sommes incorrects, agressifs ou offensants, même si nous sommes sincères, nous ne travaillons pas en faveur de l’obtention de la connaissance de soi. Car la réaction, que nous recevrons sûrement en retour, ne nous aidera pas à garder un mental équilibré. Et sans mental équilibré, comment atteindre la connaissance de soi ?
Une question se pose maintenant. Est-il réellement possible d'associer non-violence, vérité, affabilité et justesse dans la parole ? Ceux qui ont le contrôle parfait de leur corps contrôleront aussi leur parole. Avec le contrôle du corps et celui de la parole, le contrôle du mental devient plus aisé, ce qui est essentiel pour la connaissance de notre âme réelle.
La sérénité du mental vient du renoncement aux désirs ordinaires et à d’autres mauvaises tendances du mental, telles que la haine, l’avarice, la jalousie et la luxure. Cela présuppose une pratique efficace de la discrimination juste. Elle peut être obtenue par une pratique spirituelle consciencieuse et continue.
Lorsque l’on est convaincu, même théoriquement, que le bonheur prend sa source au plus profond de nous, lorsque l’on touche la quintessence de son propre être, l’ātman, et que l’on apprend à vivre une vie centrée sur lui, on cesse alors de se précipiter follement vers les objets matériels. Lorsque le mental est habitué à ne plus rechercher les objets des sens, alors seulement la sérénité est atteinte, non pas auparavant.
Puis, vient la bonté du cœur qui est une sorte d’innocence affinée qui peut être induite par une sincérité manifeste et une aspiration désintéressée à se mettre au service des autres. Les gens qui possèdent la bonté du cœur sont parfois considérés comme des originaux et les gens sincères comme des simples d'esprit. Mais c'est une bénédiction que d'être doté de la bonté du cœur. Seules de telles personnes peuvent être réellement simples et humbles.
D'après Patañjali, la répétition régulière du grand mantra OM supprime les distractions du mental et l'apaise, aidant ainsi à atteindre le contrôle de la pensée.
Le contrôle de soi et la pureté du cœur sont aussi inclus dans les disciplines de maîtrise de soi. Le contrôle de soi désigne, ici, un contrôle général du mental. Pour celui qui a atteint le contrôle de la pensée et de ses émotions, le contrôle du mental est atteint comme naturellement. La pureté du cœur, ici, signifie l'honnêteté d'intention dans nos rapports avec les autres.
Nous avons parlé, avec une insistance variée, des disciplines qui concernent le corps, la parole et le mental. Et vous aurez noté que ces disciplines sont applicables universellement et peuvent être pratiquées, avec quelques efforts, par tous les humains, en tout temps, partout dans le monde, avec des résultats abondamment bénéfiques.
L'immortalité de l'âme, cette expérience intérieure, ne peut pas être testée dans un laboratoire. Mais la méthode scientifique d'expérimentation, d'observation et de vérification, aussi bien que la collecte de faits et leur corrélation, peuvent s'appliquer à la vérifier.
Réaliser l'immortalité de l'âme soustrait à la mort sa peur paralysante.
La Katha upaniṣad dit : « L'ātman, pas plus grand qu'un pouce, repose toujours dans le cœur des hommes. Que l'homme le sépare de son corps avec délicatesse, comme l'on sépare la tendre pousse d'une touffe d'herbe.
Ayant reçu cette sagesse enseignée par le roi de la Mort, et le traité complet du yoga, Naciketa a été libéré de ses impuretés et de la mort et a atteint Brahman. Il en sera ainsi pour tous ceux qui connaissent de la même manière leur Soi le plus profond. ».
ૐ Vedānta 222 - Mai 2021
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[1] Conférence donnée à Gretz le 2 novembre 1997.
[2] II, 16-30.